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Alain Montanguon :« L’accoucheur des Hommes de la terre »

 

Tous les personnages se hissent hors de la terre après des efforts que traduisent leur attitude et leur visage. Ils s’élancent vers une liberté que leur refuse leur lieu de naissance. Ces personnages affûtés, discrets, langoureux ou torturés, figés pour toujours par la main soigneuse d’Alain Montanguon  leur « père », ne peuvent laisser indifférent. Ils se taisent, murmurent, causent, embrassent ou interpellent celle ou celui qui se penche sur ce que l’on pense être leur triste sort. Leur bonheur repose comme pour beaucoup des Hommes, dans leur simple existence.« J’ai toujours été fasciné par l’originalité des formes et de l’aspect des ceps de vigne. Tous sortent du sol nourricier mais se forgent leur propre identité. Après avoir appris à travailler la terre et sa cuisson dans l’atelier de Saint Loubés,  j’ai tenté de reproduire la texture de ces végétaux. Lentement mon projet s’est af iné pour muter en modelages d’humains » explique celui qui passe de longues heures à transformer un bloc brut de matière originelle en œuvres toujours en équilibre instable entre le réel et l’imaginaire. Alain Montanguon explique qu’il n’a pas forcément d’idée établie au moment où il se lance dans la création d’un monde dont on attend qu’il s’anime et se mette à vivre. L’homme aux mains agiles convient que parfois il « détruit » ce qu’il obtient dans la première phase car ça ne lui convient pas. « Lentement va surgir une scène, une personne, une attitude que je n’avais pas prévu. « D’une certaine manière je chemine en terre inconnue avoue-t-il dans son propos écrit de présentation de son expo (1), les formes surgissant parfois de manière inattendues, comme si la matière avait sont mot à dire dans cette confrontation créatrice. » La finesse du résultat démontre néanmoins qu’une certaine dextérité contribue à la réussite de ce bel ouvrage. Toutes les sculptures attestent des arrière-pensées de l’artiste : une alerte et une illustration sur l’évolution de notre monde. « L’homme est semblable à ces ceps ou à ces arbres : en sursis ! » Ce constat se traduit dans l’aspect torturé du placenta de terre soigneusement strié et décoré produisant des lambeaux d’une peau sauvage. La sensation que le mal ronge cette société artificielle à l’image de celui qui détruit peu à peu la planète. La peau ridée teintée avec des mélanges préparés à l’ancienne atteste des agressions qui pèsent dès la naissance sur les humains actuels .Alain se veut optimiste car alors « qu’ on les croit moribonds, au printemps, leurs bourgeons éclatent, enfiévrés de sève ». On a parfois du mal à imaginer que les visages présentés puissent un jour entrer dans une saison de l’espoir. Décharnés ou écorchés vifs ces corps semblent avoir sué sang sève et eau comme les vignobles des cotes rocheuses où les ceps torturés recherchent les moindres nutriments pour survivre et donner le vin de lamesse de la vie .Alain Montanguon montre aux sceptiques qu’une femme au visage incliné vers cette terrequi a servi à la créer, affiche un léger sourire dissimulé par sa position. C’est son gage d’optimisme, lui qui ne l’est pas naturellement. Une autre dissimulée dans un tronc creux que n’aurait pas renié Alice dans son pays aux merveilles, observe avec un regard lumineux par cette fenêtre sur l’extérieur on ne sait quel avenir qui lui paraît incertain. Se met elle à l’abri ? A-t-elle peur du lendemain ? Cherche-t-elle à espionner ? Probablement un peu de tout cela à la fois. Le personnage le plus énigmatique a nécessité un talent exceptionnel car on sait que les collages de terre surtout car elle est aussi travaillée que celle-ci sont extrêmement délicats. C’est la réalisation la plus sophistiquée et la plus affirmée. Passionné et donc passionnant quand il évoque son nouveau parcours artistique, Alain Montanguon n’a pas de certitudes sur ses réalisations. Il doute. Pourtant elles lui plaisent. Il les regarde avec la tendresse des géniteurs se penchant sur un berceau. Il a passé bien des heures à guetter leur évolution, leur croissance faite d’os et de rouille et à traduite leurs peurs. Habile, sensible et discret l’ancien journaliste a ouvert une voie nouvelle dans sa vie, celle qui lui permet de devenir « sage-homme », accoucheur de la réalité de la terre des Hommes.

 

Jean-Marie Darmian(Septembre 2022)

Octobre 2024 : exposition au château
Tourteau-Chollet à Arbanats.

« Depuis 2015, Alain Montanguon adopte une
approche instinctive et organique, inspirée par les formes
naturelles du monde végétal. Les ceps de vigne tordus,
les tamaris marqués par les vents et les érables
moribonds deviennent des métaphores de la condition
humaine, à la fois fragile et pleine de vitalité.
En 2019, il approfondit son travail avec l’argile, une
matière qu'il façonne dans une lutte créative pour
exprimer la dualité entre vie et mort, chaos et harmonie.
Chaque sculpture devient un combat entre l’ordre et le
désordre, cherchant à extraire des émotions brutes et
sincères.
S’inspirant de la notion nietzschéenne de " l’  étoile
dansante , il utilise son art pour matérialiser des
tensions émotionnelles profondes et philosophiques. Loin de simples réalisations techniques, ses œuvres sont des explorations de la résilience humaine et du lien
indéfectible entre l’homme et la nature.
Elles invitent le spectateur à réfléchir sur la force du
vivant, sa beauté et sa capacité à surmonter

les épreuves. "

"L'oeil de Danielle Bigata (sculptrice)"

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